Lettre à Madame Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé

Le 5 décembre 2019, nous avons envoyé une lettre à Madame Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé…

Lettre à Madame Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé

5 décembre 2019

Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé
Commission européenne
Rue de la loi
1049 Bruxelles
Belgique

Objet: Demande de procédure d’infraction, La Caisse Primaire d’Assurance Maladie

Chère Madame Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé,

Nous vous écrivons au sujet des soins de santé transfrontaliers dans l’Union européenne, une question d’une grande importance pour les citoyens européens, l’organisation européenne que je représente et ma propre famille. Je vous demande officiellement de lancer une procédure d’infraction à l’encontre de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie en France.

Je m’appelle Philippe Pakter. Je suis Néerlandais; ma compagne est française. Nous sommes actuellement engagés dans une lutte permanente avec La Caisse d’Assurance Maladie française (CPAM), pour violation du droit de l’UE: à la fois le droit primaire de l’UE (les quatre libertés fondamentales de l’UE) et la législation secondaire de l’UE (la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers, et Le Règlement 883). Le citoyen européen dont les droits ont été violés est un nouveau-né français atteint d’une maladie rare. Le nom du bébé est Lysiane Pakter. Lysiane est ma fille.

Lysiane est née le 29 mars 2017 à Lyon, en France, d’une maladie rare représentant un danger de mort. Une semaine après sa naissance, nous avons identifié un traitement pour sa maladie rare, hautement spécialisé, médicalement prouvé, sûr, non chirurgical et rentable, offert en Allemagne et non disponible en France ou ailleurs en Europe: le traitement « TPP ». Nous avons présenté une demande à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) afin d’obtenir une autorisation préalable pour accéder à ce traitement médicalement prouvé pour sa maladie rare. La CPAM a refusé de fournir l’autorisation. Le traitement TPP dépend du temps, alors malgré le refus, nous avons quand même décidé d’aller de l’avant avec le traitement TPP. Mon père – le grand-père de Lysiane – a contracté un emprunt, en utilisant son domicile comme garantie. Nous avons transféré le prêt bancaire à l’hôpital allemand, transféré Lysiane en Allemagne et Lysiane a reçu le traitement TPP, qui a résolu avec succès ses difficultés respiratoires et l’a libérée de la machine de ventilation. Nous faisons maintenant appel du rejet de la CPAM et cherchons à inverser la décision. Au nom de l’organisation que je représente, au nom de ma propre fille Lysiane, et au nom de tous les bébés français souffrant de la Séquence Pierre Robin comme Lysiane, nous demandons l’autorisation du S2 – son autorisation pour des soins de santé transfrontaliers – qui a été refusée par la CPAM, en violation du droit de l’UE.

Nous avons une liste croissante d’alliés qui conviennent que la CPAM a violé le droit de l’UE:

  1. Le réseau SOLVIT de la Commission Européenne; Après avoir soigneusement analysé notre cas, SOLVIT a formellement conclu que la France, en rejetant la demande S2 de notre fille Lysiane, a violé le droit européen (l’affaire SOLVIT numéro 2569/17/DE). Le réseau SOLVIT de la Commission européenne a conclu que Lysiane avait droit à une autorisation préalable en vertu de la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers, et aussi du Règlement 883 sur les systèmes de sécurité sociale.
  2. Un membre senior du Parlement européen des 8ème, 7ème, 6ème, 5ème et 4ème législatures, Mme Françoise Grossetête : Mme Grossetête a une grande expérience de la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers ; elle était le rapporteur spécial du Parlement européen pour cette législation sur les soins de santé transfrontaliers. Mme Grossetête connaît cette loi, et elle comme les autres savent que la loi a été violée. Elle a envoyé une lettre de soutien formelle à la ministre française de la Santé, Agnès Buzyn, en précisant que cette situation est « inacceptable », et que le rejet était juridiquement non fondé.
  3. EURORDIS, la plus grande organisation de patients atteints de maladies rares dans l’UE. EURORDIS a envoyé une lettre de soutien très détaillée à la CPAM, expliquant pourquoi, pour eux aussi, le rejet était contraire au droit de l’UE. EURORDIS s’est engagé à nous accompagner, les parents de Lysiane, devant la Cour de justice de l’Union européenne.
  4. Le Forum européen des patients (The European Patients’ Forum), la plus grande organisation mère de défense des patients de toute l’UE. Le forum européen des patients a été un acteur clé dans la rédaction de la Directive 2011/24/UE sur les soins de santé transfrontaliers; eux aussi connaissent cette loi. Le Forum européen des patients a envoyé une lettre de soutien officielle directement au Président de la République française, le Président Macron. Dans leur lettre, ils déclarent que cette situation est « choquante » et que le rejet de la France était juridiquement non fondé.
  5. Pro Rare Austria, une organisation autrichienne regroupant des groupes de défense des droits des patients atteints de maladies rares. Dans leur lettre à l’Assurance Maladie, en France, ils demandent au directeur, Nicolas Revel, de réviser le rejet sans fondement du droit de Lysiane à un traitement médical sûr et médicalement prouvé en Allemagne.
  6. Rare Diseases Denmark, un groupe de défense des maladies rares de premier plan en Scandinavie, très respectée dans le mouvement international des maladies rares. Dans leur lettre de soutien, ils soulignent que le cas de Lysiane « est un exemple dévastateur de la lutte à laquelle de nombreux patients et familles de maladies rares ont été confrontés et continuent de se heurter, ici même en Europe ».
  7. Le député de notre circonscription en France, M. Bruno Bonnell, de l’Assemblée nationale. Le député Bonnell, défenseur actif des droits des patients et des personnes en situation de handicap, nous soutient dans notre appel.
  8. Un réseau international de professeurs de droit spécialisés dans le droit européen de la santé et de la sécurité sociale. Ils reconnaissent également que le rejet de l’Assurance Maladie était juridiquement non fondé.

Madame Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé, il existe de nombreux cas dans lesquels des citoyens de l’UE protestent contre des violations du droit de l’UE. Cependant, cette situation présente des aspects critiques qui la distinguent.

1. Cette affaire soulève une question de principe plus large qui concerne tous les citoyens de l’UE, et qui affecte leur vie quotidienne: si un nouveau-né souffrant d’une maladie rare, immobilisé dans une unité de soins intensifs et connecté à une machine de ventilation, n’a pas le droit d’obtenir un traitement hautement spécialisé, médicalement éprouvé, sûr et rentable pour sa maladie rare dans un autre État membre de l’UE – alors qui a le droit d’obtenir des soins de santé transfrontaliers?

Si le droit clair et évident de notre fille Lysiane d’avoir accès aux soins de santé transfrontaliers de l’UE peut être violé, alors TOUT droit de citoyen de l’UE d’accéder aux soins de santé transfrontaliers peut être violé. Cela transforme la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers et le Règlement 883 en une cruelle déception et une façade cynique.

2. Cette situation n’est pas un cas individuel. Cette situation concerne toute une classe de bébés français nés avec cette maladie rare et qui à l’avenir vont naître avec cette maladie rare, une classe entière de citoyens européens extrêmement vulnérables, qui ne peuvent pas parler pour eux-mêmes.

Le rejet par la CPAM du traitement TPP en Allemagne repose sur l’affirmation selon laquelle le traitement proposé en France est « identique ou présentant le même degré d’efficacité » que le traitement TPP, un traitement hautement spécialisé, médicalement prouvé, sûr, non chirurgical et rentable, qui a été développé par une équipe multidisciplinaire d’experts allemands hautement spécialisés dans le but spécifique de traiter cette maladie rare. Le réseau SOLVIT de l’Union européenne a officiellement conclu que le rejet de la CPAM était contraire au droit de l’UE, à la fois à la Directive 2011 et au Règlement 883; de nombreuses organisations très réputées et des députés au Parlement européen et des professeurs de droit de l’Union européenne s’accordent pour le dire. Le point important cependant est que ce rejet n’est pas un « cas individuel ». Le rejet, selon lequel le traitement en France est « identique » ou présente « le même degré d’efficacité », concerne toute une classe de bébés français atteints de cette maladie rare et qui à l’avenir vont naître avec cette maladie rare.

Le traitement TPP en Allemagne n’est pas un traitement nouveau, expérimental, incertain ou dangereux. L’efficacité et la sécurité du TPP ont été définitivement démontrées dans de nombreuses études médicales évaluées par des pairs au niveau international. Des bébés d’autres États membres de l’UE ont été transférés en Allemagne pour bénéficier du traitement du TPP, notamment des bébés d’États membres à faible revenu d’Europe orientale. Des bébés russes ont été transférés en Allemagne pour recevoir le traitement TPP. Même des bébés de très loin comme de la côte ouest des États-Unis ont été transférés vers Tübingen, en Allemagne, pour bénéficier du traitement TPP. L’année prochaine, une conférence médicale internationale réunira des experts de la Séquence Pierre Robin du monde entier. Le panel de médecins internationaux qui organisent cette conférence a choisi l’hôpital universitaire de Tübingen, qui a inventé et administre le traitement TPP, pour accueillir l’événement. Il ne s’agit pas d’encourager les familles françaises à choisir ce traitement allemand sûr et médicalement prouvé pour leur bébé ; il s’agit simplement de leur permettre de faire ce choix, conformément à la législation de l’UE – en garantissant aux citoyens de l’UE, en particulier aux patients atteints de maladies rares, le droit d’accéder aux soins de santé transfrontaliers.

Il faudra 8 à 10 ans pour que cette affaire aboutisse devant la Cour de justice de l’Union européenne. Au cours de cette période, toute une classe de patients atteints d’une maladie rare, des bébés français nés avec la Séquence Pierre Robin, bénéficiera des options de traitement suivantes en France: connecter le bébé pendant des mois à une machine de ventilation, ce qui limite radicalement la mobilité du bébé et la qualité de vie; ou des interventions chirurgicales, incluant la labioglossopexie. La labioglossopexie est un traitement proposé pour la première fois il y a un siècle. EURORDIS le décrit dans sa lettre à la CPAM comme « barbare ». C’est lorsque vous cousez la langue du bébé à sa lèvre inférieure.

3. Cette situation met en évidence un problème connu et grave à l’échelle de l’Union européenne: obstruction injustifiée des États membres aux soins de santé transfrontaliers de l’UE, en violation à la fois du droit primaire de l’UE et de la législation secondaire de l’UE.

La libre circulation des personnes, des services, des biens et des capitaux constitue la base de tout le projet de l’UE. Comme l’a expliqué le ministre allemand Peter Altmaier: « Ces quatre libertés fondamentales sont au cœur du marché unique… Cela signifie que tout pays qui souhaite participer au marché unique doit accepter le marché unique tel qu’il existe. » Comme le président français Emmanuel Macron l’a expliqué au Parlement européen l’année dernière dans le contexte du Brexit, un pays qui souhaite rester dans l’UE ne peut pas choisir deux ou trois des libertés fondamentales, il doit accepter les quatre: « Il n’y a pas de cherry-picking dans le marché unique. C’est un principe simple… les libertés en Europe sont solidaires et l’accès plein et entier suppose la reconnaissance de toutes ces libertés ». La libre circulation des services inclut la libre circulation des services de santé. D’après la Directive 2011: « Comme l’a confirmé la Cour de justice, ni leur caractère particulier, ni leur mode d’organisation ou de financement ne saurait faire échapper les soins de santé au principe fondamental de la libre prestation de services. » Les citoyens de l’Union européenne jouissent d’un droit légal fondamental de recevoir des services, y compris des services de soins de santé, dans d’autres États membres de l’UE, sans faire face à des restrictions, obstacles, entraves ou retards injustifiés.

Malheureusement, le rapport sur la mise en œuvre de la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers (Rapport A8-0046/2019) du Parlement européen confirme que les États membres de l’UE continuent de s’opposer à la résistance, à la non-coopération et au blocage total afin d’empêcher les citoyens de l’UE d’avoir accès aux soins de santé transfrontaliers en Europe. Le comité parlementaire observe que « …dans un nombre considérable d’États membres, les obstacles que rencontrent les patients lorsqu’ils ont recours aux systèmes de santé restent importants… certains systèmes d’autorisation préalable semblent excessivement contraignants et/ou restrictifs… » Le comité parlementaire « constate avec inquiétude que, dans certains États membres, les sociétés d’assurance adoptent des pratiques discriminatoires de manière arbitraire ou créent des obstacles injustifiés à la libre circulation des patients et des services… » et « …déplore qu’un nombre significatif d’États membres n’aient pas effectivement mis en œuvre les exigences visant à garantir les droits des patients; presse donc les États membres de veiller à ce que la Directive soit dûment mise en œuvre… tout en respectant le principe de la libre circulation des personnes au sein du marché intérieur… » Citant le texte de la Directive 2011, qui s’appuie sur des décennies de décisions juridiquement contraignantes de la Cour de justice européenne, le comité parlementaire rappelle aux États membres que « …toute limitation de l’application de la Directive, telle que l’exigence d’autorisation préalable ou les limitations du remboursement, doit être nécessaire et proportionnée et ne doit pas donner lieu à une discrimination arbitraire ou sociale, ne doit pas ériger d’obstacles injustifiés à la libre circulation des patients et des services… »

L’année dernière, la Commission européenne a remis au Parlement européen un rapport officiel sur la Directive 2011: « Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la Directive 2011/24/UE » (COM (2018) 651 final). Le rapport de la Commission européenne indique que le coût total des soins de santé transfrontaliers au titre du Règlement 883 représente environ 0,1% du budget annuel des soins de santé de l’UE – un dixième d’un pour cent – un chiffre extrêmement réduit. Mais le rapport de la Commission européenne ajoute que, au titre de la Directive 2011, qui devait enfin faciliter les soins de santé transfrontaliers pour les citoyens de l’UE, le chiffre est radicalement inférieur. Le coût total de tous les soins de santé transfrontaliers engagés en vertu de la Directive 2011 pour les soins programmés, les soins non-programmés, les traitements de routine, les traitements de maladies rares, le tout, au total, représente environ 0,004% du budget annuel des soins de santé dans l’Union européenne – quatre millièmes d’un pour cent – et selon la Commission européenne, ces chiffres sont restés stables au fil des ans. Les États membres dépensent probablement plus par an pour les bassins de lit et les pansements que pour l’ensemble des soins de santé transfrontaliers sur l’ensemble du continent européen.

La Cour des Comptes Européenne de l’UE vient de publier son propre rapport sur la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers: « Actions de l’UE dans le domaine des soins de santé transfrontaliers » (Rapport spécial N° 07/2019). Combien de citoyens de l’UE ont réussi à obtenir une autorisation préalable en vertu de la Directive 2011? La Cour des Comptes Européenne indique que parmi tous les citoyens de l’UE demandant une autorisation préalable pour des soins de santé transfrontaliers programmés au titre de la Directive 2011 – les citoyens de l’UE demandant un traitement comportant une nuitée dans un hôpital ou du matériel médical spécialisé – une autorisation préalable n’a été accordée qu’à 3 562 citoyens européens, sur une période d’un an. Pour la perspective: l’UE compte environ 500 millions de citoyens. 3 562 patients représentent 0,0007124% des citoyens de l’UE, soit moins de 1/1 000e de 1%, un chiffre presque inconcevablement petit.

Le système des réseaux européens de référence (« ERN ») a promis aux patients atteints de maladies rares en Europe de bénéficier de soins de santé transfrontaliers virtuels; ils pourraient utiliser le système informatique « santé numérique » à la fine pointe de la technologie, le système de gestion des patients cliniques (le « CPMS »). Le CPMS permettrait aux médecins de différents États membres d’examiner et de discuter simultanément le dossier d’un patient atteint d’une maladie rare. Cependant, tous les ERN combinés – il y en a 24 actuellement – n’ouvrent qu’environ 300 dossiers de patients par an. À titre indicatif: EURORDIS estime à environ 30 millions le nombre d’hommes, de femmes, d’enfants et de bébés atteints d’une maladie rare dans l’Union européenne aujourd’hui. 300 patients représentent 0,001% de la communauté des patients atteints de maladies rares dans l’UE, environ 1/1 000e de 1%, un autre chiffre presque inconcevable. Après leur révision exhaustive de la Directive 2011, la Cour des Comptes Européenne a conclu solennellement dans leur Rapport spécial que « les patients n’en tirent que des bénéfices limités ». Notre propre lutte pour accéder aux soins de santé transfrontaliers pour notre fille Lysiane démontre l’un des problèmes; de nombreux citoyens de l’UE à la recherche de soins de santé transfrontaliers, confrontés à des résistances, à des obstacles injustifiés et à des entraves absolues perdent tout simplement espoir et abandonnent. Si la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers meurt complètement, une partie de l’autopsie sera libellée comme suit: obstruction des États membres.

Les rapports officiels les plus récents sur la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers, émanant de la Commission européenne, du Parlement européen et de la Cour des Comptes Européenne, indiquent que la loi est très peu utilisée et que, lorsque les citoyens européens tentent de l’utiliser, les États membres continuent de soulever des obstacles injustifiés pour empêcher les patients d’atteindre leurs objectifs. Un exemple en est l’abus par les États membres de la procédure d’autorisation préalable. Selon le European Patients’ Forum, « l’autorisation préalable semble être de loin la pratique habituelle pour les patients atteints de maladies rares, peut-être parce que, dans la plupart des cas, les soins requis relèvent des exigences en matière d’autorisation préalable ». Étant donné que les patients atteints de maladies rares sont beaucoup plus susceptibles de nécessiter une autorisation préalable que les patients recherchant des soins de santé transfrontaliers pour des pathologies plus courantes, les obstacles placés en matière d’autorisation préalable ont un impact disproportionné sur les citoyens de l’UE déjà aux prises avec une maladie rare. Ceci est tout à fait en décalage par rapport au Programme de développement durable à l’horizon 2030; la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme nous rappelle que les engagements du Programme 2030 « de ne laisser personne de côté et d’aider en premier les plus défavorisés sont fondés sur des principes − égalité et non-discrimination, et fait d’accorder la priorité aux membres vulnérables et marginalisés de la société − qui relèvent des droits de l’homme ». Les patients atteints de maladies rares doivent être priorisés, et non défavorisés.

Nous sommes donc confrontés à une ironie cruelle: nulle part la logique ou l’impératif moral des soins de santé programmés transfrontaliers ne sont plus évidents que pour les patients atteints de maladies rares recherchant un traitement hautement spécialisé non disponible dans leur État membre d’affiliation – et pourtant c’est exactement ce même groupe de patients qui sont les plus susceptibles de rencontrer des obstacles aux soins transfrontaliers. Partant du principe que toute société peut être véritablement mesurée dans la manière dont elle traite ses membres les plus vulnérables, le préjudice disproportionné que cette obstruction illégale par des États membres continue de causer à des patients atteints de maladies rares est absolument honteuse. Il n’y a pas de place pour cela dans l’Europe du 21ème siècle.

Action requise au niveau de l’UE
Les États membres sont responsables de la gestion de leurs propres systèmes de santé. Cependant, chaque État membre, dans la gestion de son système de santé, doit le gérer conformément au droit de l’Union. Le système de santé d’un État membre ne peut violer le droit de l’Union européenne, et en particulier, il ne peut pas violer les quatre libertés fondamentales de l’Union européenne. Il s’agit d’une jurisprudence constante, confirmé à plusieurs reprises par la Cour de justice de l’Union européenne et confirmé à nouveau dans la Directive 2011 sur les soins de santé transfrontaliers. Malheureusement, les États membres continuent de soulever des obstacles injustifiés aux soins de santé transfrontaliers et ne manifestent aucune volonté de se réformer. Les obstacles persistent, malgré des décennies de jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne remontant jusqu’à Decker et Kohll, malgré les quatre libertés fondamentales, malgré le Règlement 883 et malgré la Directive 2011 elle-même – et la Directive 2011 était censée mettre fin à ces problèmes. Lorsque le droit de l’Union européenne est violé de cette manière, les énormes ressources consacrées à la production de la législation sont gaspillées et la légitimité et la durabilité de l’Union européenne en pâtissent. Les personnes réellement vivantes souffrent également – dans ce cas, les citoyens de l’UE, et même les bébés, qui sont déjà confrontées à des défis énormes en matière de santé et de vie. Une action au niveau de l’UE est désespérément requise.

Conclusion
Comme la Commission européenne l’a déclaré dans son communiqué officiel, 2017/C 18/02, il incombe à la Commission européenne de faire respecter le droit de l’Union: « L’Union européenne est fondée sur l’état de droit et s’appuie sur le droit pour garantir la réalisation de ses politiques et de ses priorités dans les États membres. L’application, la mise en œuvre et le respect effectifs du droit sont une responsabilité confiée à la Commission par l’article 17, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne. » Le Commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, a promis au Parlement européen le 12 février 2019, « Je tiens à souligner une fois de plus que la Commission agira délibérément lorsque l’esprit et la lettre de la Directive ne seront pas respectés. » Vous trouverez ci-joint la lettre que ma famille et moi-même avons adressée au président français Emmanuel Macron il y a plus d’un an et demi. La lettre contient des informations générales, une analyse médicale, une analyse juridique et une conclusion. Sur la base des faits exposés dans notre lettre au président Emmanuel Macron, et des informations supplémentaires fournies ci-dessus, je vous demande officiellement, Madame Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé, de lancer une procédure d’infraction à l’encontre de CPAM. Merci beaucoup.

Avec mes respectueux hommages, je vous prie d’agréer, Madame l’expression de ma considération la plus distinguée,

Philippe Pakter
Directeur et avocat, Stichting Pierre Robin Europe (Fondation Pierre Robin Europe)
Membre, EURORDIS, The European Organisation for Rare Diseases
Membre, VSOP, Vereniging Samenwerkende Ouder-en Patiëntenorganisaties
Représentant ePAG aux réseaux européens de référence (ERN)



Nous les soussignés, députés au Parlement européen, dirigeants d’organisations de patients et groupes de défense des droits des patients atteints de maladies rares, professeurs de droit européen, experts en politique internationale de la santé, patients atteints de maladies rares, membres de leur famille et citoyens concernés en Europe et à l’étranger, soutenons la présente initiative et demandons à vous Madame Stella Kyriakides, Commissaire européenne à la santé, de bien vouloir prendre rapidement des mesures immédiates.

  1. Françoise Grossetête, ancien député européen et rapporteur spécial pour la Directive de 2011 sur les soins de santé transfrontaliers
  2. John Bowis, ancien député européen et rapporteur spécial pour la Directive de 2011 sur les soins de santé transfrontaliers
  3. Petra De Sutter, député européen, docteur en Philosophie et Médecine, Présidente de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen, Médecin
  4. Tilly Metz, député européen, membre de la Commission de l’environnement et de la santé publique du Parlement européen
  5. Olivier Chastel, député européen, vice-président de la Commission des budgets du Parlement européen
  6. Evelyne Gebhardt, député européen, membre de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen
  7. Yann Le Cam, PDG d’EURORDIS, organisation européenne des maladies rares
  8. Usman Khan, PhD, directeur exécutif d’EPF, forum européen des patients
  9. Professeur Andre Den Exter, Chaire Jean Monnet de droit de la santé de l’Union européenne, Université Erasmus, Rotterdam
  10. Professeur Francis Kessler, droit de la sécurité sociale, droit comparé et droit social européen, Université Paris 1 Sorbonne, Paris
  11. Professeur Dominic Wilkinson, déontologie médicale, Université d’Oxford, Oxford, et médecin spécialiste des soins intensifs chez les nouveau-nés, rédacteur en chef du Journal de déontologie médicale
  12. Professeur Frans Pennings, droit du travail et droit de la sécurité sociale, Université d’Utrecht, Utrecht
  13. Professeur Victor G. Rodwin, gestion et politiques de la santé, New York University, New York City
  14. Cor Oosterwijk, docteur, directeur de VSOP (Vereniging Samenwerkende Ouder en Patiëntenorganisaties), alliance hollandaise des patients atteints de maladies génétiques rares
  15. Durhane Wong Rieger, docteur, PDG de CORD, organisation canadienne pour les maladies rares
  16. Justina January ševičienė, docteur en droit public, Présidente du Centre d’innovation pour les soins de santé, Université des sciences de la santé de Lithuanie
  17. Nick Sireau, docteur, PDG d’AKU
  18. Willy Palm, Conseiller principal à l’Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé, auteur de l’ouvrage ‘Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les politiques de santé de l’Union européenne sans jamais oser le demander’
  19. Ing. Pavla MAŠKOVÁ, docteur, Česká asociace pro vzácná onemocnīní, association tchèque des patients atteints de maladies rares
  20. Dominique Sturz, secrétaire de Pro Rare Autriche
  21. Jasmin Barman Aksözen, docteur, vice-président d’International Porphyria Patient Network (IPPN)
  22. Yvonne Milne, Fondateur de RETT UK, membre du Conseil de RETT Syndrome Europe, Réseau européen de référence (ERN), représentant du Groupe de conseil aux patients (ePAG rep), Member Of The Most Excellent Order Of The British Empire pour services à la santé
  23. Heather C. Etchevers, docteur, chercheur à l’INSERM
  24. Lene Jensen, PDG de Maladies rares Danemark, ancien membre de l’EUCERD, ancien député au parlement danois
  25. Holm Graessner, docteur, MBA, FEAN, coordinateur du Réseau européen de référence (ERN) pour les maladies neurologiques rares, directeur général du Centre pour les maladies Rare de Tübingen
  26. Lieven Bauwens, défenseur des patients atteints de maladies rares (Spina Bifida et Hydrocephalus), défenseur des droits des personnes handicapées
  27. Irena Žnidar, docteur, directeur de l’International Gaucher Alliance (IGA)
  28. Alastair Kent, spécialiste des politiques relatives aux maladies rares et génétiques, Order of the British Empire pour services à la santé; Membre de la Royal Society of Arts; prix EURORDIS Lifetime Achievement
  29. Professeur Scott L. Greer, gestion et politiques de santé, santé publique globale et science politique, Université du Michigan, Ann Arbor; conseiller expert senior en matière de gouvernance de la santé pour l’Observatoire européen des systèmes et politiques de santé, auteur de l’ouvrage ‘Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les politiques de santé de l’Union européenne sans jamais oser le demander’
  30. Professeur Olivier De Schutter, droit international des droits de l’homme, droit de l’Union européenne et théorie juridique, Université de Louvain, Louvain la Neuve, et Sciences Po, Paris, membre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, auteur de ‘La procédure d’infraction, outil de mise en œuvre des droits fondamentaux dans l’Union Européenne’